• 1. Le Lieu


• 2. Le repas


• 3. Épilogue

Dès l’ouverture du Mas en 2017, de bonnes ondes - le feeling - m’avaient attiré vers cette adresse et j’avais promis au chef Nicolas Bottero de venir découvrir un jour sa nouvelle table éponyme lorsque que je serai en vacances dans les environs…

Idéalement situé aux portes du Lubéron à 10 minutes au Nord d’Aix en Provence entre vignes des Coteaux d’Aix et oliviers, le mas tout orienté vers le jardin fait vite oublier la très passante ex N7 si bien chantée par Charles Trenet.

Après une première expérience enrichissante de cinq ans à Grenoble où ses parents s’étaient installés durant les J.O. de 1968, Nicolas commençait à tourner en rond et à se sentir à l’étroit. Une irrésistible envie de revenir aux sources de son enfance en Provence où il aimait tant arpenter les marchés aux côtés de sa grand-mère paternelle le gagnait de plus en plus. Sans se l’expliquer il fut toujours attiré par la beauté et les parfums des légumes colorés et variés qui garnissaient les étals. Sans nul doute, c’est ici qu’est née sa vocation de cuisinier. Après quelques recherches infructueuses, son choix s’est finalement porté sur une ancienne pizzeria qu’il a réaménagée du sol en plafond pour en faire un lieu où fleure bon l’art de vivre à la Provençale.

Le restaurant est accessible, simple, sobrement décoré subdivisée en deux salles où règnent plusieurs univers. Ma préférence va vers la première que je trouve plus aérée et lumineuse. À l’entrée, face à la cuisine ouverte où les cuisiniers s’activent, la table du chef accueille jusqu’à quatre convives. Un petit salon jouxte une épicerie fine où sont exposés quelques bocaux faits maison ou des produits locaux de premier choix.

Dans la salle principale, nous découvrons une table d’hôtes en cèdre massif du Luberon fabriquée sur mesure qui permet d’organiser des tablées joyeuses entre amis gourmets. Une jolie cave apparente donne du relief.

À l’arrière un jardin inattendu prolonge les terrasses. Véritable poumon verdoyant du restaurant où le chef cultive en autosuffisance une cinquantaine d’herbes aromatiques, il offre un véritable cachet. Nous aurions apprécié de déjeuner sur la terrasse mais la chaleur assommante nous a contraint de manger à l’intérieur.

Formé à bonne école chez Anne-Sophie Pic, Michel Del Burgo au Negresco, Alain Ducasse et Franck Cerutti au Louis XV, Michel Bras à Laguiole, Philippe Rochat et Benoit Violier à Lausanne, excusez du peu !, Nicolas Bottero a un parcours qui force l’admiration. Ce grand gaillard charismatique et besogneux qui a toujours su qu’il serait cuisinier un jour suscite tout de suite la sympathie. Chaleureux, accueillant, modeste, il m’explique avec verve et passion la vision de son métier.

Si sa cuisine n’est pas locavore - il se refuse à tout suivisme modeux - elle se veut d’abord d’ici, ancrée et immergée dans le terroir provençal, mais ne s’impose aucune barrière régionale pour autant. Elle se veut aussi d’ailleurs, histoire de voyager dans l’assiette comme avec ce maigre venu de Corse, ce Saint Pierre de l’Atlantique ou ce homard breton. Sous forme de boutade, Nicolas me résume ainsi sa cuisine : « des goûts d'ici et d'ailleurs, plutôt d'ici d'ailleurs » … Ah oui, j’avais aussi oublié de vous préciser que le chef était aussi drôle à ses heures perdues !!!

En tous cas, il ne transige pas sur un point, ses plats sont toujours cadencés par la saisonnalité des produits. Ici Christophe tu ne trouveras jamais de tomates avant le 15 juillet me précise-t-il. Il faut éduquer les clients à attendre les saisons. C’est en faisant les choses naturellement, en suivant et en respectant les règles de la nature, qu’on permet au goût de mieux de se révéler. Pour ce faire, Nicolas a réussi à tisser un réseau de fournisseurs-partenaires avec lesquels il travaille étroitement en toute confiance garantissant la régularité, l’ultra fraicheur et la qualité extrême de ses produits. Indiscutablement, ici le chef, c’est le produit !

Notre virtuose du piano ne se contente pas de mettre en avant les liens avec ses producteurs, il se plait à vanter les mérites et le talent de toute son équipe qui fait bloc autour de lui et qui travaille dans un superbe état d’esprit solidaire dans le but de toujours mieux satisfaire les convives.

À noter le recrutement en début d’année d’un super maitre d’hôtel Yannick Calvier, animé par un bon esprit de partage, un souci constant de la perfection dans la bonne humeur et la simplicité, ainsi qu’un sommelier à l’avenir prometteur, Alexandre Safar, qui nous a fait un accord mets et vins 100% provençal bien argumenté et du plus grand intérêt gustatif. Sans oublier les étudiants saisonniers à la tête bien faite qui n’ont fait qu’accentuer le super niveau du service en salle. Top.

Vous, je ne sais pas, mais moi cette description m’a mis en appétit, et il est plus que temps de laisser bosser notre sculpteur du goût (un Bottero peut en cacher un autre !). Comme d’habitude, nous faisons totalement confiance au chef et nous le laissons concocter un menu carte blanche décliné en plats que nous partagerons à deux.

Cocktail maison super réussi : Chartreuse jaune et verte, tonic, jus de citron. Petit clin d’œil à la région grenobloise où le chef avait ouvert son premier restaurant.

Château De Beaupré cru local St Cannat AOC Coteaux d’Aix en Provence. Phanette Double. Collection du Château 2019. Sauvignon 50 % Semillon 50 %. Du corps, rond, gras, élégant, généreux en bouche, fraîcheur du fruit, agrumes. Élevage sur lie.

Domaine de la Tour du Bon. Bandol 2019. Mourvèdre 36% ; Grenache 25% ; Cinsault 32% ; Clairette 7% - Tout en nuances, le vin exhale des parfums à la fois toniques et gourmands, bouche tendre, iodée et épicée

Domaine de Camaïssette. Coteaux d'Aix-en-Provence. Rouge. Cabernet Sauvignon, Syrah Château Montaurone. Cuvée Excellence Coteaux d'Aix-en-Provence Rouge.

Domaine des Béates LOU O'range, AOC Coteaux d'Aix-en-Provence Bio. Macération de Grenache blanc, Vermentino et Ugni blanc élevés en jarres toscanes !

Domaine de Camaïssette. Domaine M. Nasles. Eguilles. Vin cuit au feu de bois selon la vieille tradition provençale.

...que nous dégustons sur la jolie terrasse. Il ne fait pas si chaud que ça tout compte fait !!!

Après un tel défilé du jardin dans l’assiette, ce n’est plus National 7 qu’on a envie de chanter mais « c’est un jardin extraordinaire », autre fameuse chanson de Trenet !

Le Chef entretient une relation charnelle avec le produit. « Dis-moi ce qui pousse et je te dirai ce que tu manges » telle pourrait être l’autre devise de la Maison, « des goûts d’ici ». Une cuisine qui chante la Provence ponctuée de jolis accents méridionaux.

Des assiettes vives, colorées, pétillantes, ensoleillées, percutantes, ordonnancées, empreinte de tonus et de créativité pour une cuisine nette, explosive en saveurs offrant une large palette aromatique. Une cuisine généreuse, personnelle, attractive, naturelle, quasi instinctive, du marché qui repose sur un socle technique sans faille. Les cuissons des poissons et des viandes sont saisissantes. Une cuisine dans l’air du temps inspirée, inspirante qui donne des couleurs à la vie, sincère, identifiable, qui va droit au but dans l’expression du goût et qui ne sacrifie jamais le produit et donne du plaisir à chaque bouchée.

Un resto comme je les aime, simple, convivial, et dont on ne sort pas ruinés. Le chef propose un menu déjeuner à 29 Euros, mais oui vous avez bien lu ! Qui dit mieux pour un restaurant étoilé ? Les clients ne s’y trompent pas et y affluent nombreux. Les réservations sont à prévoir plusieurs jours à l’avance.

Nicolas Bottero est un chef étoilé heureux avec plein d’étoiles dans les yeux et plein de projets en tête comme celui de réaliser un potager au bout du jardin. Il n’y aura plus qu’à pousser le produit dans l’assiette !

On repart comblés, le sourire aux lèvres avec une folle envie de revenir. J’y aurai bien laissé mon rond de serviette mais de Strasbourg ça fait un peu loin ! Bravo et respect Monsieur Bottero pour donner à ta cuisine autant de joie de vivre et de relief. Une adresse à découvrir séance tenante. N’hésitez pas à vous recommander de la part du blog Christophe Se Met à Table au moment de la réservation, le chef y sera sensible.

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Crédits photos : Christophe se met à table