Mes restaurants
3 toques Gault & Millau
N'étant pas professionnel gastronomique, mes seules occasions d'aller découvrir de nouveaux restaurants ont lieu durant mon temps libre. Lorsqu'une adresse attire mon attention, j'aime bien prendre contact au préalable avec le chef surtout lorsqu'elle ne se trouve pas à proximité de mon lieu de résidence, histoire de sentir si ça va le faire. Comme je ne partage que mes coups de cœur, je n'ai pas trop le droit à l'erreur en regard de mes disponibilités ! Concernant le Pirate, pas de tergiversations, le courant avec le chef vosgien Jerry Monmessin est passé immédiatement. Le sens du partage, valeur essentielle qui anime mes reportages, semblait aussi animer le chef. Le rendez-vous est donc pris. Une fois arrivé sur place, je constatais que la réalité allait dépasser mes espérances...
Il y a des restaurants où on ne va pas seulement pour les plaisirs de la cuisine, la qualité du service et de l'accueil ou pour la félicité des lieux, le cadre saisissant, l'ambiance romantique ou animée selon les préférences et le contexte, mais aussi, comme c'est le cas ici, parce qu'y règne une vertu rare : une sincère et profonde humanité. Vertu instillée sous l'impulsion du patron qui se plie en quatre et se démène comme un beau diable pour que toutes les conditions de satisfaire le client soient réunies. Jean-Pierre Ricci, natif du village, d'une extrême gentillesse, la colonne vertébrale du restaurant, vous accueille simplement avec un sens de l'hospitalité sincère, à l'aune de tous les habitants du Nord de l'Ile de beauté.
Le Cap corse, le bien nommé doigt de Dieu, est magnifique, sauvage, intact - même si dévasté récemment (début août) par des incendies - encore préservé des pollutions immobilières envahissantes et dégradantes. Ce petit coin de Paradis, concentré de l'âme corse recèle en son sein un écrin, le Restaurant Le Pirate à Erbalunga à une dizaine de kilomètres au Nord de Bastia.
Ce restaurant les pieds dans l'eau est situé dans une marine, un petit village de pêcheurs au charme fou, qui a inspiré moultes artistes, et qui dégage un romantisme absolu. Ce site magique, original et pittoresque, offre un cadre enchanteur donnant sur la grande Bleue qui vous mettra en condition pour assister au ballet des papilles et des pupilles !
Mais comme tout écrin, s'il n'avait pas sa perle, il passerait presque inaperçu. Ici, elle a un nom, Jerry Monmessin, aux manettes du piano depuis une dizaine d'années, gage de constance et de fidélité assez rare en Corse pour le signaler !
Comme je l'écris souvent, la cuisine est le miroir du chef, c'est encore plus vrai ici...
C'est dans son bureau que nous surprenons le chef avant notre déjeuner... mais attention pas n'importe quel bureau ! Un bureau situé en extérieur sur une placette, où Jerry, adossé à un muret, le regard tourné vers le large, hume l'inspiration créative avant le coup de feu... J'adore !
J'ai rarement eu un tel échange, un tel moment de partage avec un chef sauf peut être avec les chefs Julien Dimofski ou Nicolas Grandclaude. Tiens ! Lui aussi spinalien d'origine ! Sous des airs d'hidalgo séducteur nonchalant, il cache son jeu et n'a rien d'un pirate sauf qu'il pille les saveurs pour notre plus grand plaisir ! Ce chef atypique, heureux, simple, drôle, bien dans ses baskets, extrêmement accueillant, est tout sauf un dillitetante. Bosseur acharné, perfectionniste, esprit vif, consciencieux, passionné, disponible, il n'a qu'un seul credo, contenter le client tout en se faisant plaisir. Philosophie payante puisqu'il a décroché l'étoile (ou plutôt le macaron) dans les années 2000 et que tous les gourmets - célébres ou non - affluent à sa table.
Mais s'attribuer les seuls mérites de ce succès serait mal le connaître. Modeste, généreux au grand coeur, il nous affirme qu'en réalité c'est le résultat du travail en équipe de toute sa brigade et de la salle. Ici cette affirmation n'est pas une parole en l'air mais une raison d'être. Il nous confie abhorrer les conflits, tout comme l'esprit caporal militaire où règnent les « Oui Chef ! » au garde à vous, et privilégie au contraire l'esprit participatif, même s'il reconnait que dans les grandes structures c'est moins évident à mettre en oeuvre. Jerry d'affirmer : « j'aime le partage, les gens, qu'on discute, qu'on avance, sans rapport de force. Au final tu extrais mieux des membres de l'équipe ce qu'ils ont envie de donner, ce qu'il savent faire plutôt que dans une ambiance rigide, le doigt sur la couture avec la boule au ventre par peur de se faire allumer car le chef a toujours raison ! » Dans ces conditions, chaleureuses et humaines, il est plus facile de diriger une cuisine même s'il concède que ça nécessite une équipe impliquée, motivée, passionnée, consciencieuse, réceptive de son mode de fonctionnement en semi-autonomie.
Une fois qu'il a trouvé son équipe de saisonniers (certains reviennent depuis 4 ans !) tout roule bien mieux, nous dit-il. « Ils sont contents, ils bossent car ils ont envie de bosser ensemble dans un esprit de corps et d'amitié. Ils créeent car ça leur plait, ils savent que leurs créations vont être débattues. Ils cherchent, rectifient afin d'obtenir un équilibre cohérent des saveurs. Ils savent qu'in fine une partie de leurs idées seront dans le plat et se sentent ainsi concernés et fiers d'avoir donné du plaisir aux convives. » Au tableau d'honneur de notre déjeuner, les seconds David Perez et Julien Leifer (également doué en pâtisserie), Mélanie Grassini 1re chef de partie, Coraline Teixeira chef de partie, Benjamin Arcis chef de partie.
Le principal inspirateur de la carte n'en reste pas moins le chef. Créatif dans l'âme, il clame ne pas tenir compte de ce que font les autres, il fait ce qu'il a envie de faire et précise qu'un paysage, qu'une photo, un moment de vie peuvent l'interpeller. Il les garde en mémoire et après il se creuse la tête avec son équipe pour les réaliser en tenant compte des contingences techniques et humaines. « Il faut être capable de sortir 40 couverts de la même façon quelles que soient les conditions », me dit-il.
Le résultat dans l'assiette est absolument remarquable : dressage soigné et recherché, graphisme artistique et joyeux sans que ça soit excessif comme on le voit dans de grandes maisons étoilées. Ici à l'image de la maison, il y a du sentiment, de la vie, du plaisir, de la génorisité dans le plat et surtout de l'harmonie, de la finesse et de la cohérence gustative.
À chaque nouvelle saison, il ouvre avec les plats de l'année précèdente, ce qui lui permet de former les nouveaux membres de sa brigade. Et une fois que la machine est lancée et que tout le monde a pris ses marques, il commence à changer la carte au fur et à mesure. Il ne change pas la carte intégralement car on peut pas être abouti sur tous les plats en même temps, explique-t-il et c'est seulement après la maitrise parfaite de chaque plat que ce dernier est envoyé en salle. Le client n'est pas un cobaye !
Le chef conçoit sa carte comme une ardoise qu'il imprime deux fois par jour en fonction des arrivages. Ici, le maître mot, c'est la fraîcheur ; l'équipe cuisine tout en direct. Jerry s'efforce de travailler au maximum avec les producteurs locaux avec qui il a noué des liens. La Corse offre un magnifique terroir. Que le produit soit issu des pêches locales ou de la montagne, la qualité ne cesse de croître, les productions bio s'étendent. Il affectionne travailler particulièrement avec une amie safranière, Stéphanie Scavino, du cap Corse, qui l'approvisionne aussi en fraises bio, courgettes, aubergines, en oignons de Sisco et autres... Les produits de la vigne n'ont pas à rougir non plus ! Bon nombre de vignerons ont réussi à s'imposer en misant sur la qualité plutôt que sur le rendement et en hissant très haut les couleurs des vins corses. Amateur de vins, au Pirate, vous serez comblés et vous trouverez l'une des plus belle carte de la région d'ailleurs récompensée à ce titre, que Nathalie, l'adorable et discrète patronne nous a présentée avec compétence.
L'équipe en salle, emmené par l'excellent et enthousiaste maître d'hôtel Pierrick Lohat épaulé par Arthur, Diane et Bogdan, est au diapason et prolonge avec maitrise, gentillesse, attention, décontraction et tenue les mérites de la cuisine.
Cette complicité entre la cuisine et la salle, ce plaisir de travailler ensemble sont exemplaires et louables. Par ricochet, inévitablement, cela rebondit naturellement dans l'assiette comme le prouve ce magnifique menu carte blanche que le chef nous a concocté.
Installés face à la mer, quasiment les pieds dans l'eau, nous réunissons toutes les conditions pour débuter notre « croisière » gastronomique !
Avant de monter à bord, Arthur, charmant serveur saisonnier, nous invite à prendre l'apérétif de bienvenue accompagné d'une série de canapés autour de l'olive du domaine Oltremonti : fougasse spongecake à l'huile d'olive / sablé parmesan et confiture d'olives maison / blinis noisette crème mascarpone puis, pour nous mettre en appétit, d'apprécier un subtil tartare et brandade de poisson, pomme de terre safran de Sisco, recouvert d'une crème fumée aux herbes du maquis, rapé de boutargue (poutargue en Provence) et croutons. Le niveau s'élève rapidement, de très bon augure pour la suite.
Muscat pétillant de Patrimonio et Fior' di Notte. Cet apéritif associe un assemblage de macérat de prunelles et de baies de genièvre cueillies dans la micro-région du Niolu et un vin rosé produit en centre corse (domaine Vico).
Nous quittons le port et partageons deux entrées différentes :
- un œuf parfait surmonte un chaud froid de tartare et de Saint-Pierre fumé aux feuilles d'agrumes, jus d'écume de crustacés et légumes verts de saison ;
- un duo de foie gras en terrine, mi-cuit mariné dans du Cap Corse (blanc), et en muesli croquant, servi sur une crème au sirop d'érable et citron vert, pêche pochée dans un vin de groseille (clin d'œil au papa vosgien de Jerry qui le distille) et écume de vin de groseille.
Deux entrées abouties et goûteuses, complétement différentes, qui visent à montrer toute l'étendue de la palette du chef (concept qu'il reproduira pour les plats suivants). La première avec plus de folie, de sentiment dans l'assiette d'approche plus bistronomique et la seconde plus élaborée, plus fine d'approche gastronomique étoilée ++.
La Robe d'Ange CLos Farnelli 2016 / Yves Leccia E Croce Patrimonio 2016.
L'air du grand large envahit nos deux plats de poissons cuits à la perfection :
- la pêche du jour : denti - St Pierre - chapon, servis avec une brandade de poisson, légumes cuisinés dans une soupe de poissons et aïoli ;
- le pagre en pêche locale servi sur un croquant de choux-fleur, mousseline de céleri au chocolat blanc, pointe de compote de pomme et citron, gingembre et granny smith, poudre aux herbes. Plat d'apparence culottée mais qui est un enchantement en bouche, tout en finesse et en équilibre. Un grand plat bluffant.
Clos Marfisi Patrimonio.
Nous faisons escale et apprécions deux plats de viande :
- une côte de veau Abbatucci, tigré bio, jus corsé et carottes, romarin flambé, servi en cocotte. Un plat mijoté savoureux que nos grand-mères n'auraient pas renié !
- Un bœuf herdshire, millefeuille de pomme de terre et de truffes, fumé, mousseline de chou-fleur servie froide, enoki (champignon asiatique), ail noir, écume roquette café, poudre de pomme de terre. Un pur régal, un grand moment de gastronomie et de plaisir.
A Ronca rouge.
En longeant les côtes, nous dégustons un rafraichissant mojito revisité, granité de rhum Don Papa (Philippines) 7 ans, effluves de vanille ; sorbet yuzu espuma et gelée de menthe.
Avant de regagner le port, nous apprécions deux splendides desserts - normal le chef a démarré sa carrière en Angleterre en tant que pâtissier et a peaufiné cette spécialité durant son service militaire au mess des officiers. Qui a dit que le Service ne servait à rien ? !!! -
- Tout en fraîcheur, un vacherin nepita hibiscus, meringue française, crème montée à la vanille, confit de griottes et coulis hibiscus ;
- et un pur moment de bonheur d'une grande créativité avec cette tablette guanaja : crémeux framboise, chocolat 70% de madagascar, mousse, morceaux et croquant de framboise, sorbet Nepita.
Domaine Pieretti 2016 Muscat du Cap Corse
En débarquant sur la terrasse du Pirate, pour accompagner le café et les mignardises et prolonger nos émotions, Pierrick nous offre une liqueur de cédrat du cap corse Calizi, de quoi parachever en beauté cet inoubliable voyage gastronomique ! ...
La Corse est définitivement belle. Elle avait une cuisine de terroir renommée, elle dispose avec cette table de l'une des plus belles adresses gastronomiques et authentiques de la Kallisté - en ce qui me concerne ma plus belle expérience - qui rend un bel hommage à l'âme corse. Si vous débarquez à Bastia, n'hésitez pas à pousser le pas jusque là, vous serez en-chan-tés et vivrez véritablement un moment idyllique en tout simplicité ! Respect et chapeau les artistes...
Crédits photos : Christophe se met à table
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