Mes restaurants
1 toque Gault & Millau
Comme souvent mes reportages naissent d’une rencontre. C’est en juin 2018, lors d’une « battle » de « knepfles » - gnocchis alsaciens - organisée par le comité des fêtes de Riquewihr, qui mettait en compétition quatres alsaciens émérites (vous pourrez retrouver mon reportage enjoué sur la page Facebook du blog), que je suis tombé sous le « charme » du sympathique chef Matthias Degouy. Ce dernier faisait partie des « battlers » et s’il n’a pas gagné la confrontation, il a gagné une chose inestimable : mon envie d’aller découvrir son établissement !!!
Pas besoin de briser la glace, le courant est passé sans coup férir entre nous. Sa faconde jubilatoire, sa décontraction, sa franchise, son amour pour son métier, pour son restaurant, sa famille, et surtout son approche éco-responsable et humaniste ont su immédiatement capter mon intérêt et toucher mes cordes sensibles. Avant de nous séparer, je lui promets donc d’aller lui rendre visite sans l’ombre d’une hésitation…
Un an après…
On ne va pas aux Alisiers simplement pour se sustenter mais pour découvrir un concept et vivre une expérience dans sa globalité, résolument ancrée dans la nature…
Après une ascension serpentueuse sous une chaleur estivale, nous atteignons notre point de chute à près de 700 m sur les hauteurs de Lapoutroie, en pays Welche (dialecte lorrain roman parlé en Alsace), au cœur du massif des Vosges. Et dès l’arrivée, l’environnement pastoral, le panorama montagnard vous étreignent. Pas de doute, ici on respire, on admire et on soupire de contentement. Ah, que la nature est belle !
L’Hôtel Restaurant les Alisiers occupe une ferme typique de la vallée de Kaysersberg retapée par les parents de Matthias en 1975 et transformée en tables d’hôtes agrémentées de plusieurs chambres. En 2006, Matthias, natif des lieux, quitte ses cours de comédie à Paris et revient au bercail pour les relayer. Au fil des années, rejoint par sa future épouse Caroline, dans une quête permanente d’amélioration en osmose avec la nature environnante, ils transforment tous deux l’établissement en une adresse de charme, « une maison de campagne accueillante » insiste Matthias, où s’y épanouit un certain art de vivre à la française…
Les 12 chambres de l’hôtel épousent la nature avec caractère et personnalité. Au programme, vue panoramique, bois, forêt, fleurs où se conjuguent simplicité et élégance, tradition et modernité, matière noble et style épuré, confort et fonctionnalité, dans un calme olympien.
La nature se sublime à l’intérieur de la maison agencée comme un dédale. Ici ça tourne, ça monte et ça descend pour passer d’une pièce à l’autre. Décorée avec soin dans un esprit rural et contemporain, la salle du restaurant offre quant à elle un véritable plongeon dans la vallée environnante avec une vue imprenable à couper le souffle et une ambiance lumineuse ondoyante au cours de la journée.
Toutefois, l’attrait irrésistible de la maison à mes yeux, c’est la bonne nature des hôtes, qui vous accueillent avec chaleur, simplicité et authenticité. Ils vous prennent par la main dès votre arrivée, mettent toutes les contingences de votre quotidien au vestiaire le temps du séjour, dans le but de vous faire passer un moment singulier. Matthias en est la plus belle expression.
Le restaurateur est une Belle personne, comme je les aime. Sans se prendre au sérieux, il prend tout au sérieux. Sa philosophie est de prendre son temps, que rien ne soit contraignant, de travailler pour prendre du plaisir, et le restituer in fine à ses hôtes. Il avait envie d’avoir une maison de campagne sans « chichis, prout prout » et d’aborder la restauration d’une autre façon où on se sent bien comme chez soi et d’y associer tout le personnel afin d’y créer des attaches et surtout une âme.
Il ne néglige pour se faire aucun détail pour s’assurer du bien-être de ses clients. Il fait tout au mieux avec passion et se perfectionne sans cesse. Depuis 2016, il a mis en place des outils de communication où il affiche clairement l’esprit de la maison. Ainsi les clients qui viennent chez lui n’ont pas de mauvaises surprises car ils savent précisément ce qui les attend.
Courageux, altruiste, débonnaire, plaisantin, ouvert d’esprit, loquace, tête bien faite, curieux, cultivé, un brin bohème, des affinités rastas reggae, il a tout du bon pote qui aime se poser, jouir de la vie et partager de bons moments en bonne compagnie.
Avec son épouse qui supervise la salle et l’accueil, il forme un couple aimant, tout feu tout flamme, harmonieux et complémentaire.
Caroline incarne la douceur pétillante, la joie de vivre, la gentillesse naturelle. Femme de conviction et de tempérament, ne supportant pas les injustices, forgée d’un caractère tranchant, instruite, lucide, elle ne s’en laisse pas conter. Un poil espiègle, cabotine à l’envie, elle donne du relief et de la gaieté aux discussions. Son point fort : la sommellerie. Elle n’accepte pas de référencer un vin si elle ne l’a pas goûté. Ce souvenir olfactif lui permet a posteriori de proposer un accord idéal en fonction de chaque plat qu’elle aura dégusté au préalable et d’en parler à merveille. Elle consacre une part belle aux vins d’Alsace, principe hélas beaucoup trop rare chez ses confrères alsaciens pour le souligner, quand on connait leur richesse et leur diversité aromatique.
Mais ce qui unit le couple plus que tout, c’est leur amour pour leurs deux adorables petites filles Élisa et Manon, dont le combat sans relâche gagné récemment contre la maladie a encore plus noué leurs liens.
Leur éloignement contraint du restaurant pour prodiguer les soins idoines à leur fille aurait pu mettre en péril le restaurant s’il n’avait pu compter sur une équipe soudée, investie, dévouée et professionnelle.
Le service du matin et du déjeuner est assuré par Anne, l’un des piliers truculents et souriants de la maison, et du soir par la charmante Laetitia, avec prévenance, assurance et compétence.
En cuisine, c’est Benoît qui complète magistralement l’affiche. Il forme vraiment un super tandem avec le chef. Matthias, dès la première fois que je l’ai vu, a tout de suite mis les choses au point : « Ici, Christophe, il n’y a pas un chef, il y en a deux ! » Rencontrés, il y a 15 ans sur les bans de leur formation pour le Brevet Professionnel de cuisinier, ils ont développé au fil du temps une franche camaraderie et une jolie complicité au point d’être devenus inséparables et interchangeables en cuisine tellement ils se connaissent par cœur. Ils offrent ainsi en permanence une partition à 4 mains sans l’adjonction d’aucune autre aide. Cette spécificité voulue est la grande force de la maison. Leur confiance mutuelle est telle qu’ils n’ont pas besoin de beaucoup d’explications pour se comprendre, s’organiser, pour se relayer, pour permuter leur tâche si besoin en fonction de l’affluence. Cela garantit la régularité, la continuité et la fluidité des envois en salle.
La maladie de Manon a contraint cependant Matthias à prendre du recul et par la force des choses à laisser plus les coudées franches à Benoît en lui attribuant la prise en charge de la conception des plats. Inspiré par les réceptions du jour, curieux par nature, le chef bis conçoit une cuisine instinctive du moment avec soin et technicité où la nature s’affiche sans retenue et sans excès dans l’assiette.
Qu’ils soient issus des récoltes ultra-fraiches du potager en permaculture - en contrebas du restaurant - que Matthias s’échine à entretenir avec l’aide précieuse de son papa, ou provenant en priorité du riche terroir de la vallée, tous les produits sont bios et sélectionnés avec attention.
Benoît, plus réservé à la base, révèle également de grandes qualités humaines. Passionné par les activités manuelles, par la nature environnante, il exerce notamment l’activité d’apiculteur.
Disposant d’une trentaine de ruches dont certaines au pied du potager des Alisiers, il produit plusieurs centaines de kg par an. Vous aurez ainsi le privilège de goûter ses propres productions de miel au petit déjeuner, ou encore mieux d’assister peut-être comme nous à la récolte !
Cette inscription permanente au cœur de la nature se prolonge toujours et encore sur la magnifique terrasse ombragée et inspirante de l’hôtel. Teintée d’un camaïeu de vert, dominant la vallée, elle est propice à la détente, au repos et invite au voyage, au « luxe, calme et volupté » comme dirait Baudelaire.
Elle est surtout l’occasion pour nous d’y prendre l’apéro – on ne se refait pas !!! - et de nous mettre en condition avant de passer en salle pour déguster le menu surprise que le chef a bien voulu nous préparer, juste le temps pour lui d'équiper notre table d'un système d'éclairage dédié au shooting des plats.
Tout démarre avec une mise en appétit qui nous ancre dans le terroir de la vallée. Salade de munster blanc, assortiment de viande fumée maison, jambon, lard paysan, filet mignon.
Champagne Gremillet Blanc de Noir, 100% Pinot Noir. Vineux, puissant, caractère marqué. Nez ensoleillé (idéal sur la terrasse), gourmand, notes de coing. Bouche riche et voluptueuse. Un vin qui met en appétit. Jolie découverte.
Nous passons à table pour déguster le plat phare qui fait la fierté de la maison :
Un Foie gras de canard français mi-cuit de chez Masse (meilleur foie gras concours des chefs d’Alsace 2018), gelée de coings du verger.
Benoît m’explique que sa singularité réside dans un savant dosage entre l’Armagnac et le Porto. Ce dernier adoucit et apporte de la sucrosité, mais est là sans être là ! Il précise surtout qu’il ne brusque aucune étape avant de le cuire. Il suit un timing précis pour le salage, la macération, la mise en boudin et le repos au frigo…
J-B Adam Grand Cru Kaefferkopf d'Ammerschwihr Cuvée traditionnelle 2016 composée de 80% de Gewurztraminer et de 20% de Riesling. Vin demi sec dotée d'une complexité marquée ainsi que d’une finesse aromatique. Notes de pêches, d’abricot. L'attaque en bouche est ronde et riche, et révèle la douceur typique du Gewurztraminer mais vivifiée par l'acidité du Riesling.
Suit un plat d’approche simple mais qui magnifie le produit de base local grâce à un subtil jeu d’assaisonnement et de fraicheur.
Un Tartare de boeuf à notre façon, de race Black Angus de la ferme Chaize à Orbey (village voisin, circuit on ne peut plus court !), élevé en plein air et bien traité précise Caro, reçu le jour même et coupé minute au couteau, herbes fraiches du jardin, câpres, jeunes pousses de salade bio de Colmar, mayonnaise aux oeufs plein air.
Riesling grand cru Schlossberg 2010 Domaine Paul Blanck Kientzheim. La diversité des minéraux rencontrés (potassium, magnésium, fluor, phosphore) sur l’exceptionnel terroir du Schlossberg explique la finesse et la diversité des arômes. Belle complexité accompagnée d’une certaine fraicheur qui rappelle les raisins frais. Nez expressif d'agrumes et de jasmin. L’attaque en bouche est vive, ample, bel équilibre avec une certaine acidité. Au niveau de l’accord avec le plat, j’ai ressenti toutefois une certaine rondeur qui prenait un peu le dessus sur le tartare.
Nous continuons à explorer cette ode aux matières premières locales avec ces sublimes Asperges de la ferme Clarisse à Sigolsheim rôties au beurre bio, Noix de St Jacques snackées à la plancha, Risotto Carnarolli, herbes fraiches du jardin, émulsion au Riesling.
Un plat instinct instant gourmand dans la justesse, qui donne envie et qui accessoirement est bon ! Matthias me précise que le fait d’avoir récemment resserré la carte à 2 menus leur a permis de réduire leur stock, de les gérer en flux tendu et ainsi de garantir l’ultime fraicheur des produits.
Domaine Charles Père et Filles, Bourgogne blanc Hautes Côtes-de-Beaune 2017. Chardonnay. Nez de fleurs blanches, touche de miel, de pain d’épices. Bouche racée, élégante, franche, gardant la fraîcheur du chardonnay. Un super accord, un super canon qui mériterait encore quelques années de garde pour amplifier son potentiel.
Nous enchaînons avec une ballotine de poulet jaune aux morilles, spaetzles à la livèche, jus corsé, et poêlée de légumes bio.
Encore un plat bien envoyé et parfaitement exécuté par Benoit où la volaille est cuite à la vapeur 10 minutes, ensuite rôtie au beurre bio et passée au four 180°C pendant 9 à 12 minutes…
D’une manière générale, la viande est cuite minute, traditionnellement à l’ancienne. Matthias insiste avec force pour dire « que chez lui les viandes ne sont jamais cuites sous vide. Il en marre du mou, du beurre en bouche, il faut des fibres, de la mâche. Si à la base la viande est bonne, pas besoin de la cuire sous vide pour être tendre ».
Domaine la Fourmone. Vacqueyras rouge cuvée Le poète 2017. Grenache et Syrah. Vin de caractère, subtil, élégant, impression de fraîcheur. Notes mentholées, effluves de café et arômes de cassis. Tanins soyeux, belle longueur en bouche.
Nous terminons de manière festive ce très beau menu puisque nous fêtions en même temps l’anniversaire de mon ami Marc.
Nougat glacé maison au miel des ruches des Alisiers, by Benoît et ses ouvrières (!), coulis de fruit rouges à base de purée de fruit brut pour lisser le sucre et apporter l’acidité qui peut manquer au dessert.
Bravo à tous les acteurs pour ce magnifique moment de plaisirs gourmands.
Une cuisine d’inspiration traditionnelle, de saison, inscrite dans l’air du temps, simple à comprendre, doucement créative, bien ficelée avec un dressage sobre, qui surfe entre la bistronomie et la gastronomie, même si cette catégorisation ne veut plus dire grand-chose tant elle est subjective et clivante. Une cuisine qui a surtout pour prétention d’être sapide, équilibrée et maitrisée. Une cuisine qui à l’image des chefs est pourvue d’une bonne nature, qui privilégie les circuits courts, respectueuse de l’environnement, du travail des producteurs, des produits sans jamais les dénaturer et qui surtout ne laisse pas les papilles en berne.
Après une telle parenthèse, nous éprouvons beaucoup de mal à quitter cette adresse d’altitude où il faut absolument passer une nuitée pour apprécier la démarche accueillante des restaurateurs dans sa globalité, ne serait-ce que pour profiter du lever de soleil et du copieux petit déjeuner composé de produits 100% bio sélectionnés par Anne, sans parler de ses crêpes renversantes, préparées minute sous vos yeux ébaudis.
L’heure du départ a sonné. Nous jetons un dernier coup d’œil à la jeep que Benoît a retapé puis effectuons une jolie rando à partir de l’hôtel vers la tour du Faudé, histoire d’apprécier encore un peu cette belle et bonne nature !
Je vous invite vivement à découvrir à votre tour cette superbe adresse, promesse d’un séjour inoubliable. Deux menus uniques à 39 € et 56 € vous seront proposés avec flexibilité et compter une centaine d’euros par nuitée. Pensez enfin à réserver de la part du blog, Caroline et Matthias vous réserveront une petite surprise.
Crédits photos : Christophe se met à table
Dernière visite en juin 2019
Lieu-dit Faudé 68650 Lapoutroie
Tél. : +33 (3) 89 47 52 82
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