Mes restaurants
4 toques Gault & Millau
Kaysersberg, village médiéval alsacien, élu village préféré des Français en 2017, ne cesse de m’émerveiller avec ses rues pavées, ses vieilles maisons à colombages joliment fleuries, sa magnifique église romane de la Sainte Croix, renfermant l’un des plus beaux retables du pays assez méconnu, sa rivière impétueuse la Weiss, ses vignes qui le ceinturent et son château en ruine qui le surplombe majestueusement.
La cité est aussi réputée pour ses grandes caves de vignerons. Savez-vous que c’est ici, en 1975, que le Schlossberg a été le premier vin à obtenir l'appellation « Grand Cru d'Alsace » ?
Elle est enfin renommée pour sa grande richesse gastronomique (cf ici l’un de mes précédents reportages), et abrite l’un des temples de la gastronomie nationale, la Table d’Olivier Nasti au Chambard, que j’ai eu le privilège de redécouvrir en mode immersion pour le blog. Waouh, quelle claque gastronomique je me suis prise !
Il faut bien avouer de vous à moi que ce n’est pas sans une certaine pression que j’ai abordé ce reportage. Comme je l’ai confié au chef, j’avais un peu « les boules » avant d’y aller !!!
Même si le blog a pris ses marques et de l’ampleur, et nous du coup, une certaine assurance, c’est toujours en mode amateur que mon ami Marc et moi-même le tenons. On ne réalise donc pas un reportage sur le meilleur cuisinier alsacien en roue libre, on se doit d’être à la hauteur de l’évènement !!! En effet, sans vouloir froisser la fierté, ni dévaloriser le talent des autres cuisiniers de la région, Olivier Nasti est devenu « The Boss ».
En moins de vingt ans, ce belfortain, aidé pendant de longues années par son frère Emmanuel, a réussi, au côté de sa douce épouse Patricia, à faire de son restaurant une institution courue par tous les gourmets de France et de Navarre, voire du monde entier ! Le titre de MOF obtenu en 2007 et l’attribution du second macaron en 2014 ont définitivement forgé sa stature, sa notoriété et son aura. Fort de ces succès, il est devenu une figure de proue emblématique et participe avec enthousiasme au rayonnement de la gastronomie alsacienne à travers le pays.
Olivier Nasti, en plus d’être un cuisinier hors pair, est un personnage très attachant. Prévenant, souriant, généreux, simple, volubile, audacieux, jubilatoire avec presque une âme d’enfant, fier d’afficher ses nombreuses récompenses et ses trophées de chasse, il ne cesse de vous charmer par son extrême gentillesse et surtout par sa passion ardente, inextinguible, pour son métier, comme au premier jour...
Parti de rien, avec un simple CAP de cuisinier en poche, il a gravi les échelons à l’huile de coude, avec force, courage et abnégation. Animé par la ferme volonté de réussir, d’être le meilleur et le premier, - il sait qu’on se souvient du premier, rarement du deuxième - il s’emploie à tout mettre en œuvre pour arriver à ses fins. Après une formation d’excellence dans de belles maisons étoilées chez les chefs Jean Schillinger, Olivier Roellinger, Marc Haeberlin, il ressent des velléités d’indépendance et veut devenir chef de son établissement à son tour. Il reprend le caveau d’Eguisheim en 1993 puis rachète, avec son frère Emmanuel, Le Chambard en 2000 dont il tient désormais seul les rênes.
Enfin seul, façon de parler ! Si le Chambard rayonne autant aujourd’hui, c’est parce qu’il repose sur les épaules d’un couple. Sa ravissante épouse Patricia apporte une pierre majeure à l’édifice.
Préférant l’ombre et la discrétion, elle joue son rôle de maîtresse de maison avec une gentillesse infinie et une prévenance sincère comme j’en connais peu, sauf peut-être chez la marraine du blog Sophie Leclerc du Château d’Adoménil. Il faut la voir à l’œuvre, veiller au grain, jeter des regards furtifs sur chaque table pour s’assurer que le repas se déroule sous les meilleurs auspices.
Elle supervise aussi la gestion de leur charmant et luxueux hôtel 5* dont elle assure la décoration avec une touche personnelle du meilleur goût.
L’une de leurs filles semble avoir aussi mordu à l’hameçon. Manon a en effet rejoint le tandem depuis peu en endossant la responsabilité de la qualité et du service client.
Mais la raison du succès de l’établissement n’est pas seulement une histoire de famille, c’est surtout le fruit d’un collectif, insiste Olivier, qui me confie avoir la passion de travailler en équipe, de transmettre, de partager, d’emmener tout ce petit monde dans son univers et de le tirer sans cesse vers le haut pour toujours viser l’excellence, véritable mantra du chef.
À la tête de sa brigade, Nicolas Carro, son dévoué et talentueux chef exécutif qui encadre une dizaine de cuisiniers tous plus motivés, impliqués et passionnés les uns que les autres. Olivier explique que c’est un travail colossal et un challenge quotidien sans cesse à renouveler que de viser et d’aller au plus loin de l’excellence car rien n’est jamais acquis. Cela nécessite une grande concentration liée à une rigueur absolue, de toujours faire attention à tout le monde, d’avoir un coup d’œil partout, de réagir en douceur ou de manière plus ferme. Tout en me parlant, Olivier interpelle justement l’un de ses apprentis :
« Applique toi, essaye de le faire proprement ! Il faut bien comprendre que les clients qui viennent te voir attendent de toi la perfection quel que soit le service » explique-t-il.
Il se doit donc d’être irréprochable et de toujours donner le maximum car il n’a pas le droit à l’erreur.
Et tout cela n’est possible que s’il peut s’adosser à une équipe solide, soudée, solidaire, qui marche avec lui dans le même sens et selon le même tempo. Pour ce faire, respect, écoute, échanges, stimulation, formation toujours et encore sont au programme.
Par hasard, je suis d’ailleurs tombé sur le briefing d’équipe quotidien qui précède chaque service où quelques points d’attention relatifs à certaines tables sont évoqués et où un ou deux produits sont sélectionnés puis expliqués par l’un des membres.
Comme ce magnifique turbot breton de Roscoff déniché par Antoine ou cette superbe tomme des Vosges aux fleurs de montagne présenté par Guillaume. S’ensuit un échange avec le chef et les autres membres de l’assistance sur la manière de l’accommoder, sur la garniture à utiliser, sur le vin pour accompagner le fromage et là c’est la prometteuse et pétillante sommelière Victoire qui s’y colle avec assurance. Si cet exercice peut paraitre un poil solennel, cette revue des troupes a le mérite de créer un esprit de corps, de permettre à chacun de s’approprier les moindres détails du produit et de faciliter les explications au moment du service.
D’une manière générale, quand le chef a l’idée d’un produit, d’un plat, il n’arrive pas avec des idées imposées, il aime aussi impliquer son équipe. Il demande à chacun comment il le préparerait, l’accommoderait. L’expérience des jeunes de sa brigade vécue dans d’autres maisons lui permet par la même occasion de se renouveler et de toujours rester à la page. Olivier rappelle que la naissance de grands plats jaillit souvent grâce à la synergie de chacun et que c’est ainsi qu’on fait grandir une équipe, qu’on l’emmène avec soi et qu’on mène le même projet.
En dehors des périodes d’effervescence en cuisine, sagesse de la maturité oblige, Olivier a plus que jamais besoin de se ressourcer au cœur de la nature, de sa vallée qu’il affectionne tant et où il a construit sa vie. Son quotidien c’est de se lever dès potron-minet, de partir marcher en montagne, de faire le vide, de réfléchir, de chercher l’inspiration, de cueillir des herbes, des champignons, de pécher et surtout de chasser dès qu’il le peut.
Réputé nationalement pour ses talents de chasseur à l’approche, chasse silencieuse, moins stressante pour les animaux et respectueuse de l’écosystème, il m’explique que l’Alsace est la seule région où on peut chasser quasiment toute l’année car les dates d’ouvertures sont avancées. Ses chasses d’été lui permettent ainsi de proposer à ses clients du gibier dotée d’une chair incomparable et encore méconnue ailleurs, plus douce, moins grasse car les bêtes ne se nourrissent encore que d’herbes et de fleurs. Photos à l’appui, il me montre qu’ensuite en vue de la période du brame, la viande du cerf peut prendre jusqu’à 50% de gras et là ce n’est plus du tout la même finesse. Le Chambard au fil du temps est ainsi devenu une référence dans la préparation du gibier, près de 15 tonnes par an sont travaillés sur place !
À un moment, Olivier a ressenti l’envie de retrouver cet environnement dans le décor de sa salle et prit donc la décision cette année d’abandonner l’ancienne ambiance stylisée aux couleurs mauves et pommes (dont personnellement je n’étais pas fan) pour laisser place à la sobriété, aux éléments bruts, épurés, naturels, harmonieux. Le résultat est superbe. Le bois est apparent et respire dans la salle. L’Alsace est représentée sous forme de clin d’œil avec ces guéridons en forme de cigogne. Les bois de cerf en lévitation rajoutés depuis notre première visite m’emballent moins cependant. Une magnifique console élaborée à partir d’une ancienne poutre du Chambard attire le regard.
Des faisceaux de lumière transpercent les larges baies vitrées et illuminent la salle de manière changeante au fil de la journée. Une salle où l’on se sent bien, à l’aise, où le service est fluide, très pro, attentif, jamais obséquieux. Une salle où le décor in fine s’oublie et où on ne se concentre plus que sur le contenu de l’assiette, ce qui enchante particulièrement le chef. Il me précise que ce nouvel écrin a apporté beaucoup de lisibilité à sa ligne de conduite car il entre en résonance avec sa volonté de laisser l’émotion s’exprimer avant tout.
Si Olivier a renommé son restaurant « 64° » par « La Table d’Olivier Nasti », c’est parce que ces dernières années dans la mouvance de son titre de MOF, sa technique pointue s’exprimait davantage dans ses créations. N’ayant plus rien à prouver à ce niveau-là, il a décidé de déplacer le curseur. La technique, la rigueur, la précision restent plus que jamais le socle de sa cuisine mais dorénavant elles doivent moins transparaitre dans l’assiette et laisser place à plus d’émotion, de gourmandise, à un dressage soigné mais sans fioriture. Les clients du Chambard sont des gourmets patentés, habitués à déguster de grands produits, il faut donc se différencier des autres tables. Toute la subtilité de sa cuisine réside donc dans un heureux jeu d’équilibre entre la sublimation du produit et l’apport d’une émotion supplémentaire. Il définit sa cuisine comme une cuisine d’expression, d’envie et de l’humeur du moment, identitaire, créative. Il me confie s’inspirer de la vision au cœur de la forêt de Jean-Georges Klein quand il était le chef de l’Arnsbourg. Sur des bases traditionnelles, sa cuisine se veut innovante, variée :
« On ne sert pas que du gibier, chez moi » clame-t-il !
Il me rappelle la devise de Bocuse : « Peu importe qu'une cuisine soit classique ou moderne, il n'y a qu'une seule cuisine, la bonne ! ».
Sa spécificité est de jouer sur les textures, le croustillant, le moelleux, les découpes, la typicité des goûts (acide, amer), les cuissons. Il se refuse à suivre les modes car elles « sont vite venues et vite reparties ».
Sa cuisine s’inscrit résolument dans le terroir alsacien, le chef s’évertue à privilégier les circuits courts et à travailler au maximum avec des petits producteurs locaux. « Ce serait con quand même de passer à côté de cette exceptionnelle richesse », me dit-il ! Il ne se revendique pas locavore pour autant, approche trop restrictive en termes d’offres à mes yeux. Il me confie que n’étant pas alsacien, il n’a pas vécu avec des œillères. Il n’a pas de tabou et ne s’interdit rien du tout. « Tu as déjà goûté la truffe d’été d’Australie, c’est cent fois meilleur que notre truffe d'été ou notre truffe noire d’hiver. C’est top en plus sur les produits d’été, car ce sont des accords de saveurs inconnus ! » Son seul critère sélectif c’est la qualité du produit, sa saisonnalité et son goût.
Avant de passer à table, le chef nous convie gentiment à échanger et à prendre une coupe autour de son piano. L’esprit de partage qui est l’essence même de ce blog est bel et bien au rendez-vous. Youpi !
Par la même occasion, nous saluons le sommelier en chef Jean-Baptiste Klein, véritable clé de voute de la maison. En moins de deux ans, il a réussi avec aisance et maîtrise à remplacer le brillant et passionné frère du Chef, Emmanuel, qui officia ici durant quinze ans et désormais caviste à Mulhouse. Voilà un jeune sommelier pour qui j’ai un profond respect et sur qui je tenais à faire un focus. Paré d’une expertise impressionnante, meilleur jeune sommelier de France 2011 - futur MOF, je lui souhaite - Jean-Baptiste vous fait partager sous des airs flegmatiques sa passion avec humilité, sans détour et sans condescendance comme c’est parfois hélas le cas.
Il a mis sur pied une carte variée, qui bouge, qui ose, qui casse certains codes, qui surprend mais qui matche au final ! Il opère une sélection fine et intelligente, à son image, en faisant la part belle aux grandes étiquettes mais aussi en accordant de la place aux jeunes vignerons en devenir qu’il découvre lors de ses nombreuses dégustations. Initiative louable. Le restaurant étant situé au cœur du vignoble alsacien, il serait impensable que l’Alsace ne représente pas une part essentielle sur la carte. Il n’échappe pas à la tendance actuelle de proposer une jolie sélection de vins bio et naturels sans déviance (ce qui est rare et qui mérite d'être souligné !).
Jean-Baptiste m’explique par ailleurs qu’ayant une formation de cuisinier et passionné lui-même de cuisine, les accords sont presque naturels et sonnent comme une évidence. Quand on connait les typicités gustatives de tels ou tels produits, ce n’est presque plus la peine de goûter. Quoique, comme le souligne le Chef, il faut toujours goûter car rien n’est jamais figé. Le sommelier travaille d’ailleurs main dans la main avec le chef, ce dernier me précisant que les choix de Jean-Baptiste influencent ses créations. « Dis-moi ce que tu bois et je te dirai ce que tu manges », pourrais-je écrire !
Jolie démarche qui devrait beaucoup séduire mon ami Pascal Léonetti, meileur sommelier de France 2006 ! Mais la porte de la cuisine s’ouvre (on se croirait dans un vaudeville !) et heureux et incroyable hasard, c’est justement lui qui fait son apparition pour saluer le chef, venu pour l’occasion célébrer une très belle cause !!!
À l’accord mets et vins parfait, Jean-Baptiste préfère celui à la tête du client (!!!), fait sur mesure. Sa vérité, n’étant pas forcément celle du client, il n’a pas l’outrecuidance d’imposer ses préférences et n’a pas de barrières sur les ouvertures de bouteilles. Il est là pour orienter, pour nous faire plaisir et non pour se faire plaisir. Approche empathique et altruiste dont devraient s’inspirer beaucoup de jeunes sommeliers. Un sommelier indubitablement qui poussera le bouchon très loin !
En apéritif, il nous propose un champagne bio nature Marguet Ambonnay 2011 Champagne Grand Cru planté pour moitié en cépage Pinot Noir et pour l'autre moitié en cépage Chardonnay. Nez et bouche bien équilibré. Vineux, perception de petits fruits rouges, sans liqueur d’expédition. En l’absence de dosage, le caractère du vin provient exclusivement du niveau de maturité du raisin.
Après une première visite en mode repérage, il y a six mois, qui coïncidait avec l’inauguration de la nouvelle salle (encore un heureux hasard !), c’est à la très conviviale Table du Chef (Stammtisch) en quasi mode immersion cette fois-ci, que nous avons le privilège et l’honneur de dîner. Olivier nous avoue que notre venue tombe à pic car elle correspond à une nouvelle dynamique, une nouvelle impulsion qu’il donne à sa cuisine (encore un heureux hasard !!!). Il a tenu pour l’occasion à nous concocter son menu « Histoire ». C’est un menu important à ses yeux car il contient des plats emblématiques qui résument l’épopée du Chambard. Il révèle le respect des traditions du passé revisitées par les envies du présent. « Il y a une dizaine d’années, il n’aurait jamais pensé que certains plats deviendraient des plats signature. Les clients ont toujours raison », je lui rétorque.
Allez c’est parti ! La chasse à l’excellence est ouverte !
Pas le temps de tergiverser, la signature territoriale est aussitôt annoncée par Guillaume (très sympathique et talentueux assistant Maître d'hôtel à la carrière prometteuse…), voici un petit tour en Alsace en quelques bouchées constituées uniquement de produits locaux.
- Cône de carotte croustillant, mousse de raifort et œufs de brochet, pommes soufflées façon bibeleskass, spécialité alsacienne à base de munster, fromage et oignons ;
- bille de foie gras d'oie panée au pain d'épices, meringues à la choucroute alsacienne ;
- pain soufflé, crème d'anguilles du Rhin ;
- cromesquis aux escargots légèrement persillé ;
- salade alsacienne toute en fraîcheur, choux nouveaux, lard fumé, pointe de cumin.
Petite attention du chef : au fond une compotée d’oignons et lard fumé fermier, fromage blanc en émulsion au-dessus, et on rajoute ensuite des croustillants pour rappeler la pâte à tarte flambée. Ingénieux, non ?
Muscat Domaine Weinbach Famille Faller, maison voisine du restaurant connue mondialement. Un muscat typique alsacien qui donne l’impression de croquer dans le raisin. Comme dirait Jean-Baptiste, impensable de ne pas goûter un vin du Domaine Faller lorsqu’on vient au Chambard !
Nous passons au vif du sujet avec un filet d’anguille du Rhin fumée, légèrement laqué aux agrumes, mousseline de poireau et gel à l’orange. Plat signature indéboulonnable, simplement bon et juste parfait qu’on avait déjà eu l’occasion de tester lors de notre première venue dans la salle voisine et dont on se délecte toujours autant.
Xérès Deliciosa Manzanilla plus léger, salin, empreinte marine, iodée. Le vigneron laisse passer les embruns marins dans les caves. Choix judicieux avec l’anguille.
Nous plongeons en immersion en cuisine pour assister à la naissance du Foie Gras d’oie d’Alsace en neige, crème de berawecka et parmesan. Un vrai spectacle en soi, plein de poésie et de féerie qui met bien en exergue l’imagination foisonnante du chef. L’idée de départ, m’explique Olivier, vient du souvenir d’un repas à Milan lorsqu’il était jeune cuisinier à Cagnes-sur-Mer et où il a découvert l’association parfaite entre le foie gras et le parmesan. Ensuite, son but était de trouver une technique pour mettre en valeur de manière revisitée un produit phare de l’Alsace, le foie gras d’oie, plus doux que le canard. Pour ce faire, il eut l’idée géniale de le congeler puis de le râper à peine givré comme des flocons. Le foie gras cru a vraiment un goût insoupçonné et la crème berawecka est là pour apporter de l’assurance et de l’onctuosité. Le plat est accompagné d’une tarte flambée aux fruits secs pour localiser le plat et d’un morceau de foie gras cuit pour rappeler le contenu du plat. Mais écoutons le chef nous en parler avec passion, vraiment très enrichissant.
Un plat phare, génial, poétique, récréatif et super créatif. Un vrai régal. Si, comme le dit Olivier, la neige ici c’est du bluff, il n’en est rien concernant cette création !
Retour en Alsace : domaine de l'Envol, pinot gris d'Orfburg. Vins d'équilibre, vendangé trois semaines avant tout le monde, effet de la biodynamie, maturité phénolique, pas de levure ajoutée. Avant, l’adage était de dire « plus tard je rentrerai mes raisins, meilleur ce sera » mais avec le réchauffement climatique, c'est la tendance inverse. Pour ceux qui contestent encore ce réchauffement, ces faits en sont la triste preuve…
Nous apprécions maintenent le plat signature le plus emblématique du chef, l'œuf onctueux, mousseline citron, fricassée de champignons du moment, amandes fraîches et sa vinaigrette de sureau (cueilli dans les environs et infusé sur place).
L’œuf est cuit à basse température, 64° (d’où l’ancien nom du restaurant), dit œuf parfait. D’une onctuosité et d’une gourmandise sans nom, cette création restera inscrite dans l’ADN du restaurant.
L'Étrange Orange, Louis Morer, Eichhoffen, Gewurztraminer, vin de macération 10-12 jours. Jeune vigneron qui fait sa deuxième vendange à partir de vignes biologiques. Ce type de vin est plus facile à accorder que les gewurz traditionnels, nous dit Jean-Baptiste, en raison d’une moindre teneur en sucres résiduels. Le sureau s'accorde bien avec le gewurz qui a un caractère floral. Les légers tanins et la sensation amère de la macération jouent idéalement avec les protéines de l'œuf même si la longueur en bouche est un peu courte. Le vin de macération devient un accord fétiche avec ce plat.
Le chef nous fait désormais l’honneur d’apprécier une nouveauté en cours de finalisation en exclusivité pour le blog, et quelle nouveauté, une choucroute végétale !
Sur un « steak » de chou-rave frit à la poêle, qu’il recouvre de choucroute nouvelle, il rajoute une vinaigrette de tige de persil, avec toutes les épices habituelles de la choucroute, cueillies dans les montagnes environnantes, cumin (carvi), baies de genièvre, coriandre …
Le but de ce plat est de mettre à l’honneur la choucroute en tant que telle, produit emblématique de la région s’il en est, et de la rendre gastronomique et gourmande à la fois. Si le chef pense encore faire évoluer sa création en rajoutant un petit dôme de purée de pommes de terre pour se rapprocher encore plus de l’esprit d’une choucroute, le résultat est déjà probant et spectaculaire gustativement.
Sylvaner (vin de la choucroute par excellence) : Grand Cru Zinnkopfle à Soultzmatt, Paul Kubler, La Petite tête au soleil. Nez élégant et sensuel, arômes de foin coupé, de mirabelle. Bouche tendue, notes d’agrumes et de genièvre. Belle finale, fraîche, minérale.
En entre-plat en lieu et place du classique sorbet, un clin d’œil aux fruiticulteurs de la Pommeraie à Sigolsheim. Un consommé de verveine, d’huile de verveine, de pêche, rehaussé de safran d’Alsace, servi tiède pour que les parfums s’expriment au mieux. L’idée étant de travailler les fruits d’Alsace de saison et d’en faire un consommé non sucré.
Nous continuons à tourner les belles pages de l’histoire gourmande du restaurant avec ce fabuleux filet d’Omble chevalier des eaux vives des Cévennes, queues d’écrevisses sauvages, escargots de la vallée (Weiss), œufs de truite de la maison Pétrossian à Paris, et crème finement persillée.
Antoine, chef de partie poisson, flashe l’omble pour enlever les peaux, et le porte à une température de 44°C pour le violenter suffisamment tout en le laissant rosé à cœur, de façon à ce que toute la finesse de la chair s’exprime.
Il est servi sous forme de goujonnette pour que le poisson ne s’abime pas et que la dégustation soit juste, homogène et fine. La peau est récupérée et servie croustillante un peu comme des chips.
Encore un plat fabuleux gourmand, généreux, créatif avec du relief et de la joliesse où toute la palette gustative s’exhale.
Dominique Belluard Le Feu d’Ayse (village connu pour ses effervescents mal considérés).
Vin de Savoie de la vallée de l'Arve entre Genève et Chamonix avec un cépage endémique « le Gringet », unique au monde à maturation tardive. Ici on est sur son terroir de prédilection Le Feu élévé dans des œufs en béton. Nez floral et fruité, bouche dominante de fruits exotiques (agrumes) et de pêche blanche avec une note mentholé qui lui donne fraîcheur et minéralité.
Jusqu’à présent aucun pain n’avait été servi afin de ne pas altérer la gourmandise des plats précédents et de nous permettre de poursuivre le repas sans être trop « gavés ».
Julie nous apporte un pain de campagne en forme de kougelhopf infusé au foin, ainsi qu’une trilogie de beurres :
Avant beurre fouetté comme une chantilly très léger en bouche.
Beurre demi-sel moulé au torchon par la maison.
Beurre plus travaillé, au sel de lave qui provient directement d’Islande.
Guillaume nous propose une nouvelle attention du chef, un foie gras d’oie poêlé en chapelure de kougelhopf, accompagné de sa mirabelle confite au miel, ce qui apporte du peps et localise cette attention.
Les cors claironnent, place maintenant au tableau de chasse du chef avec ce filet de chevreuil des chasses d’été d’Alsace, griotte d’Alsace en décoction, oignon de paille cuits sur des noyaux de griottes accompagné d’un Kaseknepfle, spécialité de la région à base de fromage blanc et de pommes de terre. Cuisson parfaite, tendreté de la viande d’une extrême douceur. Cela confirme ce que nous disait le chef, la chair du gibier en été est vraiment plus délicate. Rien n’est laissé au hasard dans ce plat, tout est à sa place, les équilibres de saveurs sont bien balancés, l’acidité et les jeux de texture bien calibrés.
Pinot Noir Bollenberg 2015 Zusslin Valentin Rouffach bio cultivé sur une colline sèche. Nez de cerise, poivré. Sa bouche est gourmande, vive, charnue, ses tanins bien cadrés. Top.
Le chef aime bien travailler le gibier dans sa globalité. Parties nobles et moins nobles, tout chez lui devient gastronomique. Il nous propose ainsi une très gourmande tourte de chevreuil, foie gras d’oie, salade de jeunes pousses d’herbes fraîches.
Il explique que pour faire cette tourte, il prélève le collier, l’épaule, le cœur, le foie et le poumon du chevreuil et me révèle qu’il faut qu’il aille le chasser lui-même car il faut bien le tirer. Viser le cœur plus que le poumon afin de préserver le sang de ce dernier, avec lequel il fera des sanguettes pour lier la tourte à la place de l’œuf, de la même manière qu’on fait des boudins. Cette base fut celle de l’un plat du MOF qu’il a tenu à perpétuer. Bien lui en a pris car mon dieu, que c’est bon !
Le territoire local est toujours mis à l’honneur avec ce chariot de fromages entièrement dédié à l’Alsace et au massif vosgien, sélectionnés par Daniel Zenner et le maitre fromager Antony à Vieux Ferrette (68).
Accord insolite quoique que très en vogue chez la jeune génération de sommeliers et qui me ravit en bon amateur de bière que je suis, avec une bière artisanale Bisaiguë, kaeffer beer IPA, en hommage au grand cru voisin kaefferkopf. Un jeune brasseur vient de s’installer au cœur du village et propose des bières de dégustation non filtrées, non pasteurisées, à partir d’un houblon bio alsacien, bien présent en bouche qui confère un caractère exotique. Premier résultat très encourageant !
Il est temps de conclure ce repas éblouissant en « douceurs » !
Le pâtissier en chef, Lucas, qui m’a confié avoir appris à faire du roller sur la digue de Malo-les-Bains, la fameuse plage de Dunkerque, chère à mon cœur, fait une entrée magistrale et nous propose un pré-dessert rafraichissant et onctueux autour du miel constitué de brisures de caramel au miel et d’une crème glacée au miel fleur des montagnes.
Nous enchaînons avec un dessert autour de la Mirabelle de Lorraine, crème crue au poivre de Timut et un sorbet mirabelle rafraichissant…
Les Aussigouins, vin de France, Nectar d’Empyrée 2014 Dominique Dufour, Rablay-sur-Layon. Moelleux d’une grande finesse qui pourrait s’apparenter à un Coteau du Layon, équilibré par une belle acidité qui le rend digeste et gourmand. Moi qui ne suis pas fan de ce genre de vin, là vraiment rien à redire !
…et une délicieuse coque meringuée au cacao, chocolat Guanaja en émulsion, à l’intérieur un caramel tendre à la fleur de sel, une glace vanille bourbon maison et une sauce chocolat amer 70%, une tuerie !
Même si au vu de l’explosion de créativité précédente, ces douceurs peuvent paraitre plus sérieuses, la séquence finale est d’une tenue et d’une maitrise technique remarquable et, cerise sur le gâteau, d’une légèreté absolue assez rare lorsqu’on conclut un repas avec un dessert au chocolat. Bravo Lucas pour cette jolie prouesse. Et vive la Belgique !
Porto Andresen Colheita 1975, vieilli en fûts au-delà de la période minimum requise de 7 ans avec ici une mise de 2014 !!! Le résultat en bouche est spectaculaire, un bouquet délicat de prune confite et de noisette avec des notes de dattes et de raisins secs.
Félicitons en tous cas Jean-Baptiste pour cette sélection absolument exceptionnelle, iconoclaste, aventureuse, surprenante, pointue, qui m’a réconcilié avec les vins naturels, et toujours en accord.
Nous rejoignons maintenant notre ami Pascal au bar de l’hôtel, dans la salle des trophées où nous savourons, encore… quelques dernières gourmandises !
- Ballon d'Alsace, coque meringuée, fromage blanc vanille, et myrtilles sauvages fraîches.
- Pavés de Kaysersberg, petits chocolats, ganache et praliné.
- Tarte Linzer, spécialité autrichienne.
- Guimauve aux bourgeons de sapin (que le chef cueille le long de ses sentiers de chasse, digestes seulement trois semaines).
J’ai déjà eu l’occasion de partager avec vous, chers amis gourmets, une noria d’expériences gourmandes mémorables, mais une expérience hors du commun comme celle-ci, jamais ! Sans être maso pour autant, on se prend une véritable claque gastronomique jouissive dont l’acuité persiste tout au long du repas, voire même après et qu’on a vivement envie de se reprendre à la première occasion venue !!! On entre à la table d’Olivier dans une catégorie supérieure qui atteint les hautes sphères de la gastronomie française, on prend une leçon de gastronomie qui fait honneur au col de MOF tricolore du chef. On trouve ici un petit truc en plus, un supplément d’âme qui fait toute la différence.
Si la raison majeure de cette magie résulte plus de l’alchimie, on peut penser qu’un savant de dosage de passion, de talent, de charisme - faculté extraordinaire du chef d’emmener toute son équipe dans son sillon - et surtout d’une éternelle quête de l’excellence et de l’envie de faire plaisir, en est l’explication plus rationnelle.
Olivier Nasti, tout comme Obélix, a dû tomber dans la divine marmite de la création quand il était petit. Ce génie génial au sommet de son art est plus serein que jamais, maturité du quinqua certainement, il a su actionner les bons leviers au moment opportun, supprimer le superflu, aller à l’essentiel au profit des plaisirs gustatifs et de l’émotion ressentie…
Saura-t-il aller encore plus loin et décrocher le Graal, cette fameuse 3è étoile qui lui tend les bras et qu’il mériterait ? Messieurs du Michelin si vous me lisez ! Dans cette cuisine d'auteur inspirée, tout n’est qu’harmonie. La technique est bluffante mais reste en filigrane, les mariages sont subtils, les goûts sont francs, percutants, la qualité régulière, les surprises et les étincelles sont au rendez-vous sans jamais choquer le palais. Les créations sont parfois poétiques, parfois ludiques, parfois audacieuses. Les traditions sont respectées et actualisées aux goûts du jour, les portions sont généreuses mais restent légères, la créativité toujours en éveil – le chef n’hésite pas à nous confier qu’il teste en ce moment une viande de gibier maturée – la sommellerie et le service sont irréprochables, que dire de plus ? Que certes cette expérience hors norme a un coût, le menu « Histoire » est à 142 €. Mais on va dîner chez Olivier Nasti tout comme on peut aller voir une superbe expo, un beau spectacle, un concert ou une finale de coupe de monde - n'ayons pas peur des mots ! - c’est un évènement qu’il faut vivre au moins une fois dans sa vie !
Je vous invite vivement séance tenante à vivre cette expérience unique à votre tour. Et un petit conseil, pensez à réserver de la part du blog, en plus de sa générosité habituelle, le chef vous réservera une petite attention en votre honneur !
Crédits photos : Christophe se met à table
Dernière visite en août 2018
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L'Auberge du Cheval BlancNouveau
L'Auberge de la Chèvrerie
Le Cygne
La Fleur de Sureau
Le Frankenbourg
Le Kasbür
Les Jardins du Moulin
Le Pont de la Zorn
Les Semailles
Le Vieux Couvent
Au Vieux Moulin
La Villa Lalique
Alsace - Haut-Rhin
L'Alchemille
Les Alisiers
À l'Arbre Vert
L'Atelier du Peintre
L'Auberge de l'Ill
L'Auberge Saint-Laurent
Kieny La Poste
La Maison des Têtes
Le Maximilien
La Table du Gourmet
La Table d'Olivier Nasti
Auvergne - Rhône-Alpes
Les MorainièresNouveau
Le Palégrié
La Rotonde des Trésoms
Bourgogne - Franche-Comté
La Maison des Cariatides
Le Mont Joly
Les Caves Madeleine
Les TerrassesNouveau
Corse
L'Auberge du Coucou
L'Auberge du Pêcheur
La Corniche
U Cara Lunga
A Mandria
A Cantina di l'Orriu
La Pergola
Le Pirate
I Salti
Terramea
Hauts-de-France
Le Clarance
La Cour de Rémi
L'Empreinte
L'ÉpicurieuxNouveau
La Liégeoise
Nature
Le Rouge Barre
Rozo
Le Vert Mont
Lorraine
Dimofski
Cantino
In Extremis
Le Toya (2018)
Le Toya (2015)
Nouvelle-Aquitaine
Blisss
Le Logis de la Cadène
Lume
Paris
Le Casse-Noix
Le Christine
Le Coq Rico
L'Ami Jean
AG Les Halles
Louis
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Les Bacchanales
Hostellerie Bérard
Le Mas BotteroNouveau
La Promesse
Le Castelaras
La Colombe
Belgique
Bistro BruutNouveau