Mes restaurants


















J’ai quelques adresses de restaurants fétiches, incontournables en Alsace, qui dégagent une atmosphère chaleureuse, séduisante, humaine, bref où l’on se sent bien. L’auberge du Frankenbourg à La Vancelle en fait partie. Dès ma première visite en 2003, j’ai été séduit par la cuisine évolutive du Chef, par l’endroit, l’ambiance qui ne cesse de me surprendre, de m’enchanter.



Nichée dans un écrin de verdure en moyenne montagne, l’auberge fut créée en 1985 par les parents Marie-Louise et Aimé Buecher dans un esprit Auberge de campagne, proposant une cuisine bourgeoise avec des bons petits plats du terroir. C’est dans cette ambiance que le Chef actuel Sebastien Buecher a fourbi ses armes et a forgé son envie de devenir cuisinier à son tour. « C’est au pied de mon père, en cuisine, que j'ai grandi » se plait-il à dire. Revenant au bercail en 2000, après des passages au Vieux Couvent chez Albrecht son mentor, chez Mischler à Lembach, au Bateau ivre à Courchevel, il a repris en douceur les rênes de la cuisine, en partenariat avec son père à ses débuts. Très vite il imprime sa marque de fabrique et obtient dès 2005 son premier macaron Michelin. Immense fierté, après la consécration des clients, c’est la profession qui valide sa démarche, son approche très singulière de la cuisine, teintée de créativité, d’originalité, de culot. Il fallait en effet oser proposer ce type de cuisine iconoclaste dans ce petit village de montagne blotti entre les versants sud du val de Villé et de la Lièpvre aux traditions culinaires bien ancrées… La clientèle des habitués allait-elle adhérer à ce pari fou ? L’intelligence de Sébastien aura été de ne jamais snober sa clientèle, de la respecter, de l’écouter et de l’emmener progressivement dans son univers. Le résultat est probant, la salle est comble, les anciens clients sont toujours là et les gastronomes de toute la région affluent.


Le Chef est un technicien hors pair, doué, multi-récompensé (Gault et Millau d’or cette année) passionné, animé d’une bougeotte créative stupéfiante, l’un des plus créatifs en Alsace selon moi, le pendant du lorrain Loic Villemin du Toya à Faulquemont dont je vous ai déjà parlé dans un précédent article. Tel un rat de laboratoire, amoureux du Goût, il ne cesse d’expérimenter des nouvelles associations, des textures variées, flirtant à certains moments avec la cuisine moléculaire dont je ne suis pas fan. Il organise à ce titre tous les mardis des soirées dédiées à la créativité où un aréopage restreint de clients vient tester et juger en avant première ses dernières créations. Belle initiative et belle démarche qui prouve que son but ultime est de satisfaire le client. Cette effervescence créative s’appuie cependant toujours sur les bases d’une cuisine du terroir précise goûteuse, de produits de premier choix et s’accompagne de facto de prises de risques auxquelles on peut parfois moins adhérer mais ça fait partie du deal et c’est ça qui me plait ! Le moins qu’on puisse dire c’est que le Chef ne vit pas sur ses acquis. Amateur de grosses cylindrées, il aborde chaque nouveau virage à vive allure, les changements de carte s’enchainent au gré des saisons et de son envie de bouger, de créer ! Les clients n’aimant pas la routine sont servis et ne s’ennuient pas non plus. Il arrive à nous tenir en haleine à chaque plat... c’est une grande prouesse !
Mais résumer le succès du restaurant au seul talent du Chef serait ne rien avoir compris au scénario, car c’est avec l’arrivée en 2007 du frère cadet, Guillaume, un des meilleurs directeurs de salle alsacien, épicurien, esthète, cordial, pour qui j’ai une grande et sincère admiration, que le restaurant a réellement pris une autre dimension, un nouvel envol, a connu un essor fulgurant, a trouvé ses marques et est devenu une adresse référence de la gastronomie alsacienne.


Succédant en salle à sa maman Marie-Louise, une dame remarquable, dévouée, simple, d’une grande gentillesse, une maman idéale qu’on a envie de serrer dans ses bras et que tout le monde rêverait d’avoir (je n’oublierai jamais ses attentions envers ma regrettée maman qui l’appréciait beaucoup….), il a poursuivi et amplifié le chemin tracé. Avec son frère, il a restructuré, repensé le restaurant pour en faire un lieu chic et sobre à la fois. Dans une nouvelle salle panoramique, spacieuse, lumineuse le jour, tamisée le soir, épurée, ambiance montagnarde, charpente boisée, le nouveau directeur de salle, fort de ses expériences passées, notamment au Vieux Couvent, au Croco, au Buerehiesel, a su créer un service élégant, professionnel, jeune, souriant, naturel pas intrusif et a réussi à sublimer la cuisine de son frère.






Entre les deux, le courant passe. Tel le yin et le yang, ils se complètent à merveille. La fougue et le brio de Sébastien sont tempérés, canalisés par la zénitude, l’oeil et le sens du goût de Guillaume. Mariage de l’eau et du feu, (pour un Chef il vaut mieux aimer le feu !!! ) ils sont devenus indissociables et leur complicité fait plaisir à voir. Ici, pas de tirage de couverture. Le nous est préféré au je !
Le résultat est là, la cuisine de Sébastien depuis quelques temps s’est assagie, maturité de la quarantaine proche aidant, est plus tournée vers la mise en valeur du produit que par l’originalité à tout prix. Virtuose dans le travail des produits de la mer, il révèlent qu’il faut laisser reposer le poisson après cuisson afin de magnifier son goût et sa texture. Il excelle notamment dans le mariage terre-mer pour lequel il a un réel penchant. J’adhère entièrement à cette nouvelle orientation !
Mais pour mieux appréhender cette osmose entre les deux « frangins » quoi de mieux qu’une petite interview de l’un d’entre eux !
En exclusivité mondiale, Guillaume a eu la gentillesse de réserver quelques minutes, dans son emploi du temps chargé, aux lecteurs de Christophe se met à Table. Qu’il en soit remercié !
CSMAT : « Guillaume, qu'est-ce qui t'anime tous les matins pour faire ton métier ? »
G : La soif d’apprendre. Les Albrecht, Gilbert Mestrallet et Mme Jung, Pierre Walch au « Bubu » (surnom du Buerehiesel à Strasbourg ndlr) ont été mes mentors. Encore maintenant, je ne supporte pas de ne pas savoir. Si une connaissance me manque je plonge sur le net.
CSMAT : « Comment définirais-tu la cuisine de Sebastien ? Que recherche-t-il à exprimer ? » :
G : Je dirais ‘Terroir cosmopolite’. Avant il cherchait l’originalité à tout prix. Maintenant je pense à l'équilibre à tout prix !
CSMAT : « Qu'est-ce qui vous inspire tous les deux ? »
G : Paradoxalement je dirais les gens ! Les inspirations de Seb (ndlr) se sont affinées selon le goût de notre clientèle. Dans aucun cas nous ne voulions imposer notre cuisine, nos clients nous ont orientés sur le bon chemin à prendre. Après, bien entendu, les voyages, la nature, la lecture sont sources d’inspiration.
CSMAT : « Comment qualifierais tu votre collaboration, qu'est-ce que vous apportez l'un à l'autre, quel est l'esprit de la maison ? « G : C’est finalement assez simple. Notre collaboration s’est faite naturellement. Sans trop de discussion. Nous souhaitions travailler ensemble et la vie a fait le reste. Seb est assez nerveux, méticuleux et vif. Un peu mon contraire finalement, on se complète :-) L’esprit est la sagesse. Moins il y a de complications mieux c'est !
CSMAT : « De quoi êtes-vous fiers ? Avez-vous des projets, des ambitions ? »
G : Nous sommes avant tout fiers de nos parents. Eux aussi de style très opposé, mais de vraies bonnes personnes. Toujours à l’écoute et encore maintenant de très bon conseil. Les projets : la progression. Pour tous projets futurs, il faut encore être meilleur. Mais nous sommes jeunes, 39 et 33 ans. L’avenir fera le reste….
Cette dernière réponse de Guillaume est admirable, touchante. Je pense que pour avancer et progresser, il ne faut jamais oublier d’où on vient et à qui on le doit... L’ensemble de l’interview révèle en filigrane notamment deux traits de caractères, nobles, communs au Buecher, c’est la modestie et la générosité. Générosité du cœur, dans les assiettes et dans le rapport qualité prix, incontestablement l’un des meilleurs de France pour un restaurant étoilé !
Tout concourt à me faire définitivement penser que les Buecher sont une famille en or !
Le décor et le contexte plantés, il est grand temps de passer à l’acte et de se réjouir des agapes de notre fabuleux dîner selon l’inspiration du Chef !




Au service, la sympathique et fidèle Corinne nous annonce la couleur en nous présentant un florilège impressionnant d’Amusettes et Broutilles : Tapioca coques et citron – Betterave Anguille et savora – Brioche au beurre d’oursin – Poule Noire d’Alsace Aubergine et Patissons – Espadon et chou-fleur vanillé.


Le sympathique et avisé Chef sommelier, Fabien Steib, fidéle au poste depuis le début du siècle, dénicheur de pépites aux quatre coins de la France à ses heures, nous sert en apéritif un élégant champagne Deutz brut classic.



En entrée, le Chef commence sur les chapeaux de roue avec une étonnante truite des fjord façon gravlax, courge butternut, eau de passion et cube spongieux d’encre de seiche. Guillaume nous explique que le Chef a volontairement peu assaisonné le plat afin de ne pas dénaturer le goût de la truite et qu’à chaque bouchée, l’association concomitante des différentes saveurs du plat devrait jouer ce rôle... Résultat : une tuerie ! (superbe Riesling Mushelkalck de chez Loew)



Puis nous dégustons de magnifiques langoustines mi-cuites à la flamme, condiment vinaigre de coing-moutarde, avocat et tomate poudreuse. Un petit chef d’œuvre gustatif et visuel. Les langoustines ont une bonne mâche, fermes et fondantes à la fois, et le mariage des saveurs est subtil. Guillaume nous explique que le choix de la tomate en poudre est dicté par la volonté de profiter des dernières tomates de la saison à la concentration gustative exacerbée mais dont la mollesse pourrait rebuter l’œil si elles étaient présentées ainsi dans l’assiette. (floral, frais château Fonvert du Lubéron 2014, grenache, rolle)



Mon plat préféré tombe dans l’assiette telle une bombe, une création devenue incontournable et ô combien réussie, l’oeuf en cuisson douce, blettes au miel de truffes, truffes de Bourgogne étonnamment goûteuses car souvent insipides, artichaut et émulsion de volaille... Que de simplicité apparente mais quel bonheur en bouche et quelle belle réussite. ! (CDR village blanc 2014 Sablet Domaine les Goubert, nez de poires, longue fraicheur, goût de pamplemousse, fruits blancs)



Nous est servi un épais dos de cabillaud texture parfaite, pochée en basse température pour ne pas dénaturer, écume et carpaccio de chou-fleur, topinambour grillé, ail noir d’Aomori. Dommage que l’ensemble ressortait salé en bouche.. (Cotes de Jura 2012 Chardonnay de chez Thill, équilibré longue fraicheur, mais pas mon accord préféré)



On en pince pour le Médaillon de homard sur une galette de pieds de porc, salade de pinces, noir de Bigorre, sublime bouillon de carcasses. Joli visuel et très belle association terre mer dont le chef raffole et moi aussi ! (même vin que précédemment)
L’air du grand large prend fin et nous revenons sur les terres alsaciennes où le chef nous fait profiter d’une chasse locale avec un délicieux Dos de faon de biche, crémeux de carottes, surprenante sauce Grand Veneur au chocolat amer, poire épicée, risotto de petit épeautre qui nous fait plonger dans les couleurs de l’automne. (Faugères 2010 du talentueux JM Alquier, complexe chaleureux, équilibré ; notes de grillé et de fumé au nez.. Belle harmonie en bouche de réglisse et de café se mariant parfaitement avec la sauce au chocolat amer).




Il faut toujours laisser une place pour le fromage, ceux de la fromagerie Saint Nicolas à Colmar font belle figure avec un assortiment saisissant (remarquable Santenay / Maranges 1er cru la Fussière, domaine Belland, la pépite du repas, nez subtil et persistant de cassis, très gourmand et élégant, gros coup de coeur ).




Sonne l’heure des douceurs. En guise de pré-dessert une poire caramel... Puis un dessert extra terrestre, saturnien, joli, frais, léger et accessoirement bon ! : Pomme Granny Smith et verveine. Un énorme bravo à la pâtissière. (moelleux Rosette 2014 (Bergerac) domaine Julien de Savignac ).


Après ce dessert sidéral, arrive bientôt l’instant de redescendre sur terre, juste le temps de savourer quelques sucreries brownie carottes – macaron citron vanillé et amande – rose des sables chocolat orange et quelques chocolats.
Une table qu’on a du mal à quitter, non pas qu’on soit trop repus - un peu quand même ! - mais parce qu’elle est attachante. Le plaisir peut se prolonger par une nuitée dans l’hôtel situé à l’étage. Mais que cela soit dit, il faut s’y prendre à l’avance car je n’ai encore jamais eu cette chance ! Une bonne occasion de revenir...




Crédits photos : Frankenbourg et Christophe se met à table
Dernière visite en octobre 2015
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